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Oh ! Monsieur… n’est-il pas ici, le Théâtre français ?
Oh ! non, Monsieur, nous en sommes bien loin.
Tant mieux, je suis très content.
Et pourquoi donc, Monsieur ?
Pourquoi ?… Cet diable de Molière il m’ennuie beaucoup… et je vois aujourd’hui sur toutes les… toutes les… Comment appelez-vous ces papiers attachés contre les murs ?
Ah ! les affiches.
Oui… je voulais dire que je vois son nom sur toutes les affiches, en grosses lettres.
Ce n’est pas étonnant.
Goddam… C’est encore beaucoup trop.
Peut-on savoir d’où vient la prévention que vous avez contre lui ?
Oh !… je ne puis le souffrir.
Mais pour quelle raison ?
Par la raison que je ne puis pas le souffrir.
Peut-être Monsieur ne le connaît-il pas ?
Oh ! je le connais parfaitement bien, je vous jure ; je l’ai joué très souvent dans ma maison de campagne, où milady donnait des spectacles magnifiques et très chers.
C’était vous qui payiez ?
Yes… On donnait les comédies à mes dépens : je me rappelle que c’était un membre du parlement qui avait joué le Tartuffe, et milady, mon femme, faisait un rôle dans le Georges battu, et puis content.
Ah ! Georges Dandin.
Yes… C’était moi qui faisais le Dandin… La pièce elle était fort à la mode, et ils avaient ri beaucoup de moi.
Puisque vous devez un pareil succès à Molière, je ne conçois pas pourquoi vous ne pouvez le souffrir.
Ce était pour des considérations personnelles ; car je suis comme tous les Anglais, grand admirateur de Molière. Cet diable d’homme il m’a ruiné.
Pas possible !
C’est très possible.… J’avais un oncle complètement riche, et très avare ; espérance bien confortable pour les héritiers ! eh bien !… pour avoir vu le Harpagon, il était devenu un petit dissipateur, et il ne se laissait manquer de rien : il buvait, il mangeait tous les jours : c’est une chose bien terrible pour moi.
Je conçois maintenant votre colère contre Molière.
Ce était rien encore… Je avais un autre oncle très viel, qui avait vingt milles livres sterling de revenu, et qui était attaqué du spleen… du moins… la famille… il l’espérait
Il faisait plus que rire… Il parlait toujours de Thomas Diafoirus ; et quand je lui demandais de l’argent, il me disait : Clisterium donare, ensuita purgare… Il y a de quoi se pendre
Sans doute, c’est une horreur
Je croyais bien… Nous avons lord Byron qui serait capable pour le donner lui seul à toute l’Angleterre ; mais ce n’est pas tout encore… Je avais une tante
Ah ! mon dieu, quelle famille !
Qui faisait des romans très longs, aussi longs que lady Morgan, et qui les vendait aussi chers que Walter Scott… Elle avait eu le malheur de voir à Argitti-Rooms les miladys savantes.
Ah ! Les Femmes savantes.
Yes… Et elle avait jeté au feu les dix premiers volumes d’un petite roman dont le libraire de London il offrait six mille guinées… et je devais payer les dettes à moi avec le roman de ma tante.
Je conçois alors qu’entre Molière et vous, c’est une guerre à mort.
Et je arrivais justement pour le anniversaire… car vous êtes bien sûr que ce était le Anniversaire
Monsieur, on le dit… c’est une de mes pratiques, le carillonneur de Saint-Eustache qui a fait cette découverte-là sur les registres de la paroisse
Il paraîtrait alors que le lieu de sa naissance
Monsieur, on ne le connaît pas.
Ah !… et le jour précis ?
On n’en est pas sûr.
Mais… son tombeau.
Monsieur, c’est fort incertain.
Et je ne dois pas vous cacher, Monsieur, que le modeste Gymnase se permet aussi de fêter aujourd’hui l’anniversaire de sa naissance.
Goddem… ce Molière, qui avait persécuté moi… qui avait poursuivi tous les ridicules.
Vous ne pouvez pas lui échapper.